lundi 17 décembre 2018

Odette, Robert et le Jas.


Lors d'éprouvantes et périlleuses recherches, votre Strict Maximum a découvert une série de photos réalisées au Jas du Revest-Saint-Martin, lieu de vie et de travail de l'éditeur Robert Morel mais surtout oeuvre architecturale de son épouse et collaboratrice Odette Ducarre. 





Bien des liens unissent votre SM à l'histoire d'Odette et de  Robert (cliquez dessus pour voir). Tout d'abord l'amitié de longue date d'avec Pierre Chapo et Véronique Filozof qu'ils rencontrent dès 1959. Les éditions Robert Morel et Véronique Filozof collaborent plusieurs fois ensemble. Plus tard, à la tête de la revue "le A" Robert Morel  consacre son édition du 22/07/86 à son ami Pierre Chapo disparu en début d'année. 
Nous apprenons tout récemment par l'artiste-peintre Charlotte Culot que le couple était également proche de son père, le céramiste Pierre Culot. Pour finir, en préparant ce billet, nous est enfin révélé le nom de l'architecte du posez vos valises du 08-07-2014 : Odette Ducarre.  Si ce n'est pas d'excellentes raisons pour se pencher sur leur cas, alors le SM ne sait pas ce qu'il vous faut!


La famille Morel au Jas.

C'est en 1949 qu'Odette Ducarre, artiste-peintre et architecte, rencontre son futur époux, Robert Morel, instituteur ayant déjà publié deux romans chez Julliard, L'annonciateur et La mère, romans qui témoignent de son engagement pour la foi chrétienne.

Odette Ducarre et Robert Morel.

Ensemble ils créent le Club Chrétien du livre, une maison d'édition dans laquelle ils vont reprendre le projet éditorial des Saints de tous les jours. Rien de bien excitant pour nous autres si ce n'est les maquettes des premières publications signées Le Corbusier.
Dieu merci, comme quoi on y revient, Robert Morel lance en parallèle un programme d'édition original et singulier.

Robert Morel.

Les éditions Robert Morel voient le jour en 1961. 
Trois collections font leur renommée: les "Célébrations", livres carrés qui présentent à chaque volume une nouvelle chose à célébrer; les "O", petits livres dont les pages rondes sont retenues par un anneau et la "Collection blanche" dont la particularité est de faire commencer le texte sur la première de couverture. 
Odette crée l'intégralité des maquettes des livres si particuliers que l'on connait aujourd'hui et qui participent au succès retentissant de l'éditeur. 


Un O, celui de Saint-Tropez.

Ce qui modifie totalement l'existence des éditions Robert Morel est son départ de Paris vers la province. Morel connait bien le midi  et en a gardé le goût. Un voyage en Provence d'Odette entraine la décision de quitter la capitale. 
Odette vient alors de bénéficier d'un petit héritage et achète un hameau en ruines, le Jas du Revest-Saint-Martin. Peu à peu les maisons sont relevées, selon les plans d'Odette.




Elle reconstruit, façon de parler, la totalité du village au prix de difficultés infinies mais parvient au miracle de préserver l'aspect ancestrale et régionale de l'architecture extérieure tout en recomposant avec des matériaux modernes l'espace intérieur. Les fenêtres, magnifiques n'ayons pas peur des mots, y sont traitées comme des peintures abstraites.

Faisons comme si nous n'avions pas vu le gros Mohy.

Pareil pour Szekely, nous ne l'avons pas vu.

Courant 60, Odette construit une dizaine d'habitations contemporaines dont certaines seront remarquées par la presse et s'attèle à plusieurs restaurations de bâtiments. Elle réalise également bon nombre de vitraux, ce qui lui vaut d'être choisie par son confrère l'architecte Claude Parent pour la réalisation de ceux de l'église Sainte-Bernadette à Nevers.

Sainte-Bernadette du Banlay-Architectes Claude Parent& Paul Virilio.

 Vitraux d'Odette Ducarre - Eglise Sainte-Bernadette du Banlay.


Si le Jas du Revest-Saint-Martin est un paradis, l'enfer n'est pas bien loin. Certains éléments de la population locale réagissent violemment à l'installation de la famille Morel. Ils tentent d'isoler l'éditeur, cassent les vitres des différents bâtiments, coupent la ligne téléphonique, percent le réservoir d'eau. 
L'ambiance au Jas devient insupportable.
Devant cette insalubrité sociale, communale, et morale, la famille décide de partir et de vendre les 10 maisons du Jas reconstruites en parties par les employés et les amis des Morel.

Robert Morel au Jas.

Robert Morel et Odette Ducarre mettent alors sur pied le projet des Hautes Plaines. Ils font l'acquisition d'un vaste terrain à l'abandon de 800 hectares.
Odette imagine une nouvelle maison pour la famille Morel et de nouveaux locaux pour les éditions le tout rappelant les habitations troglodytes de Castellaras.

C'est bon Odette, on l'a vu.

Même Robert n'arrive pas à le cacher.

Maquette des Hautes Plaines - Architecte Odette Ducarre.

Modernité et technologie sont les maitres mots aux Hautes Plaines.
Les bureaux des éditions sont disposés tels les alvéoles d'une ruche, tous ont vue sur le ciel comme des postes de pilotage équipés d'ordinateurs reliés entre eux par un système de dictaphones.
Tout ceci serait fascinant à voir oeuvrer mais n'aura jamais l'occasion de fonctionner.
En effet, le couple se lance dans cette aventure espérant le soutien des banques et obtenir de l'Etat une prime au développement, ce qui n'arrivera pas.

Les Hautes Plaines.

Les Hautes Plaines.

Les Hautes Plaines.

Les Hautes Plaines.

Tous leurs moyens et espoirs sont investis dans ce rêve démesuré qui ,construit sans l'aide d'investisseurs, conduira malheureusement les éditions Robert Morel à la faillite.


Gardons en mémoire que si la sanction frappe parfois ceux qui manquent d'audace, il arrive aussi qu'elle frappe ceux qui en ont trop.

2 commentaires:

  1. “Faire mouche”. C’est l’une des pensées qui peut survenir à la découverte d’une des œuvres d’Odette Ducarre. Je pense surtout aux livres qu’elle a mis en page, comme on dit, c’est-à-dire qu’elle leur a façonné une coquille, unique, faisant écho au texte ou au titre, ou à autre chose, selon son envie de s’amuser et de nous surprendre.
    L’Artiste est là, foisonnante (plus de 500 livres !), époustouflante. On pourrait passer de longs moments à décrire l’une ou l’autre de ses maquettes : un maelstrom d’inventions.
    Le livre des salades : cartonnage vert clair, of course, et pages de garde façon nappe-en-papier. Découpe ondulée des tranches (bravo ! aux ateliers Mellottée, dont j’aimerais tant en savoir plus…), qui évoque le contour frisé d’un des spécimens dont traite l’ouvrage…
    Je ne suis pas mort, ou la renaissance du splendide et si puissant André de Richaud. Avec sa couverture cartonnée noire découpée « comme autant de tombes alignées » dans un cimetière de campagne. Ce livre est mon préféré, un petit format pour un si grand texte, avec toute la splendeur des productions moreliennes : magnifique empagement, belle typo, tirage limité, maquette impeccable du début jusqu’à l’achevé d’imprimer, si jouissif à découvrir.
    A chacun de trouver son chouchou.
    Je ne connais pas Odette Ducarre, si ce n’est à travers ses œuvres, mais sa « patte » y est d’une telle force & évidence que je me l’imagine bien, sensible et très active : mille projets à l’heure, sans oublier de construire une famille, et des maisons, et je ne sais quoi encore. Le tout imprégné de spiritualité ou, lâchons le mot, de religion.
    Une femme belle et rêveuse. Tignasse brune. Soleil pourtant.
    Magnifique Odette Ducarre, et ses petits caillous blancs, noirs et colorés, semés aux quatres vents.
    Magnifique Robert Morel, fou, grand prêtre du livre-objet, même si ce mot est un peu réducteur.
    Vous me manquez. Bises fraternelles. F.

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  2. Quel beau reportage au texte alerte, illustré d'images. Quel talent trop méconnu. Que d'émotion aussi à l'évocation de l'amitié liant Robert Morel, Odette Ducarre et leur famille à ma grand-mère l'artiste peintre Véronique Filozof ! Merci à vous de cette mise en lumière qui ne me parvient, telle une étoile filante, qu'a l'aube de l'année 2022...!

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