"Ce qui est naturel, sincère, sûr et simple. Telles sont les caractéristiques du Mingei"
Soestu Yanagi (1889-1961)
Vous avez sans doute cru un instant, tout comme nous, que Yanagi parlait du Strict Maximum, mais non, il parlait bien du Mingei. Essayons donc tous ensemble en ce 35ème jour de l'année afin de rendre supportable les 330 qui suivent, d'en savoir un peu plus sur le Mingei.
Le terme Mingei est issu des mots minshû (peuple) et kogei(artisanat), l'artisanat du peuple donc.
Le Mingei peut être vu comme une réaction à l'orientation du design et des arts décoratifs japonais de la première moitié du XXème siècle, trop influencé par la découverte des arts occidentaux.
Développé par le penseur Soetsu Yanagi et plus tard par son fils Sori Yanagi refusant le luxe, l'apparence et la sophistication technique de l'artisanat aristocratique, le seul alors considéré au Japon.
Kawamato Goro - vase en grès
Le Mingei entend révéler la beauté simple des objets d'usage quotidien et leur dimension spirituelle; vaste programme.
Soetsu Yanagi, Bernard Leach, Shoji Hamada.
Ses initiateurs réagissent en réinterprétant les arts traditionnels japonais et sauvegardent des savoirs faire menacés de disparition. Sans pour autant tourner le dos à la modernité et ses techniques.
En atteste la venue au Japon de Bruno Taut, Charlotte Perriand et Isamu Noguchi alors émigré aux Etats-unis et leur influence sur le développement de la production design dès l'après guerre.
Isamu Noguchi - lampes en papier washi
Anonyme - Poupées bois dites Kokeshi
Selon Soetsu Yanagi, un objet, pour être considéré Mingei -comme ici nous aimons pouvoir considérer que des objets sont "SM"- doit avoir été crée par des artisans anonymes, dans une optique qui ne soit pas directement commerciale. Cet objet doit rester pure par rapport à sa fonction et être utilisé immédiatement après sa création. Comme le dit lui même Soetsu Yanagi : "son esthétique doit rester honnête par rapport à sa fonction"
Charlotte Perriand - lit en bambou et matelas tatamis
En 1926, avec l'aide de ses amis potiers Tomimoto, Hamada et Kawai, Soetsu Yanagi crée un musée consacrée au Mingei.
Cette action s'appuie sur la publication de la revue Kogei (sorte de Art et Décoration) ainsi que la création d'une société de soutien Nihon Mingei Kyokai dès 1934. La revue est conçue comme un objet d'esprit mingei avec ses couvertures en tissu artisanal puis son papier avec impressions laquées. La typographie y est soignée et son contenu répertorie minutieusement les collections réunies.
Koegi - couverture et intérieur d'une revue
Le fils de Soetsu, Sori Yanagi -pionnier du design après guerre au Japon- concilie plus tard une approche moderne avec une sensibilité pratique transmise par Charlotte Perriand.
Son siège butterfly (1953) est d'ailleurs pensé après avoir assisté Perriand lors de la conception de la chaise "ombre" inspirée de la calligraphie japonaise.
Sori Yanagi - tabouret Butterfly contreplaqué moulé et cintré.
Charlotte Perriand - chaise Ombre contreplaqué moulé et cintré.
Charlotte Perriand - présentation à Tôkyô en 1941
Tabouret transformable en siège d'enfant (utilisé par Perriand dans ses présentations après sa découverte chez le potier Kanjirô Kawai)
Comme son père l'a fait pour l'artisanat traditionnel, Sori Yanagi souligne la beauté du "design anonyme " Les JEEPS, par exemple sont en fait du "design anonyme". Il n'y a là rien de prétentieux, aucun effet de style ou quoique ce soit de semblable. Elles ont été crées en pensant aux fonctions de la guerre. Un autre exemple que je prends souvent est le gant de baseball constitué de deux parties de cuir lacées ensemble. Ce laçage est extrêmement important tant que l'on ne peut pas lancer la balle ou l'attraper sans lui. C'est fait pour le baseball. Voilà ce qu'est le "design anonyme"
Sori Yanagi devant le futur tabouret Elephant
Sori Yanagi inspire les designers contemporains attaché à la notion de "super normal" comme le sont Naoto Fukasawa et Jasper Morrison pour désigner des objets dont l'efficacité et l'évidence s'imposent.
Enfin, Sori s'attache à démontrer l'importance du lien entre le designer et ses collaborateurs, entre le concepteur et le fabricant sans qui la création ne peut exister.
Samiro Yunoki - tissus teints (technique Katazomé)
Sori Yanagi - série de plats en grès émaillé
Pour les Yanagi, la meilleure définition de l'objet Mingei est "la beauté de l'ordinaire" redoutant par dessus tout que la recherche du "beau pour le beau" ne détourne les artistes de l'artisanat en lequel ils voient la source de tout art.
Tanabe Chikuunsai - panier en bambou laqué
Shoji Hamada - assiette en grès
Bernard Leach - plat en grès
De nombreux artistes proches du Mingei se sont progressivement éloignés de ces critères trop rigides notamment pour ce qui est de la non-commercialisation de l'oeuvre tout comme le caractère relatif de l'anonymat des créateurs.
Sori Yanagi - lampes en papier
Arrangements floraux dit Ikebana
Le Mingei plaît particulièrement au Strict Maximum, sans quoi nous n'en causerions pas.
Les choix esthétiques du SM auraient pu être guidés de près ou de loin par l'esprit Mingei. s'il n'a pas la prétention d'y comprendre quelque chose ou d'en saisir la subtilité.
" un bon collectionneur est un second créateur"
et c'est pas le SM qui le dit, c'est Yanagi!
Joli article !!
RépondreSupprimerUne micro correction: c'est Bernard Leach et non Bertrand (mais bon on l 'avait reconnu !)
elricoche
Merci Hector ! Euh... Eric pardon :-P
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