lundi 14 juillet 2014

Zoom sur... Vivian Maier.

Le Strict Maximum profite d'une insomnie pour venir non pas vous compter les moutons puisqu'apparemment il a du mal à les trouver, mais pour vous conter l'histoire de Vivian Maier.

Autoportrait.

Nous parlerons donc aujourd'hui de photographie, l'une des autres passions du Strict Maximum
Quand la photographie rencontre l'époque tant chérie (époque où avouons-le, nous aurions sans doute eu beaucoup de mal à vivre et à nous y épanouir  tant l'ouverture d'esprit et le Wi-Fi lui ont fait défaut)le tout mêlé à une histoire personnelle incroyable, le Strict Maximum en fait ses choux gras.



Des années 1950 aux années 1990, Vivian Maier (1926-2009), gouvernante franco-américaine, a photographié les rues de New York ou de Chicago, les enfants qu'elle gardait et ceux qui traînaient dehors, les élégantes et les clochards. Pour son plaisir uniquement jusqu'à ce que John Maloof entre dans la danse.

Fin 2007, jeune photographe amateur, désireux d'illustrer un livre qu'il coécrit sur le quartier de Portage Park à Chicago; John Maloof court les salles de ventes dans le but de trouver d'anciennes photos du lieu.
Il achète pour 400 dollars un énorme lot de négatifs (30 000 négatifs, des dizaines de rouleaux de pellicules et seulement quelques tirages réalisés dans les années 1950-1960). Mais malheureusement, il n'y a pas d'images de Portage Park.

Déçu, John Maloof remise son achat dans un placard pendant plus de six mois avant de se rendre compte que ces images, principalement en noir et blanc, sont belles, émouvantes et superbement composées et que c'est un véritable trésor qu'il a découvert.
John Maloof ressort alors les négatifs, les numérise par centaines et examine les milliers de pellicules encore embobinées. 


John Maloof s'empressa ensuite de contacter la maison de vente aux enchères afin de retrouver les autres lots et de les racheter à leurs propriétaires. Au total plus de 100 000 négatifs.
Fin 2009 Maloof découvre dans un carton une enveloppe de laboratoire portant le nom de Vivian Maier. Serait-ce le  nom de la mystérieuse photographe dont il connaît déjà le visage grâce à ses autoportraits réalisés 40 ans plus tôt?






Grâce à son ami Google, qui nous en sommes certains est le vôtre aussi, il apprend via un avis de décès dans le Chicago Tribune que Vivian Maier est décédée à 83 ans quelques jours plus tôt.
Deux frères, les frères Gensburg, dont Vivian Maier a été la nounou de 1956 à 1972 ont en effet publié ceci :
« Vivian Maier, originaire de France et fière de l'être, résidente à Chicago depuis ces cinquante dernières années, est morte en paix lundi. Cet esprit libre apporta une touche de magie dans leur vie et dans celles de tous ceux qui l'ont connue. Toujours prête à donner un conseil, un avis ou à tendre une main secourable. Critique de films et photographe extraordinaire. Une personne vraiment unique, qui nous manquera énormément et dont nous nous souviendrons toujours de la longue et formidable vie. »

Si l'histoire de Vivian Maier prend fin pour les fidèles frères Gensburg qui se sont occupés de leur nounou pendant ses vieux jours,  elle ne fait que commencer pour le monde entier.
En effet, Maloof abandonne son projet initial de livre sur le quartier de Portage Park -qui n'aurait sans doute intéressé personne- pour se consacrer à l'ouvrage "Vivian Maier, Street Photographer" Qui lui reçut un accueil admiratif et suscita de nombreux articles dans le presse américaine. 

Au cours de sa vie, Vivian Maier réalisa près de 120 000 photos de rue, sans les avoir vues elle-même pour une bonne partie. Elle n'a pas toujours eu la possibilité ni les moyens financiers de développer ou de faire développer ses négatifs. Maier n'a pas montré ses tirages, n'a pas parlé de son travail et, a fortiori, elle n'a jamais tenté de tirer profit de ses clichés.


Ainsi naît une légende, celle d'un génie de la photographie découvert après toute une vie de prises de vues, un maître de la photographie de rue qui a vécu dans l'anonymat comme nounou à New York où elle est née et à Chicago où elle est décédée. Depuis sa découverte extraordinaire en 2007, John Maloof se consacre à protéger l'œuvre de Vivian Maier. Il a classé ses documents et ses enregistrements audio, numérisé les quelque 150 films qu'elle a tourné, scanné et développé les négatifs de ses photos. Il a recherché et interviewé plus de soixante personnes ayant connu Vivian Maier, parvenant ainsi à reconstituer sa vie aux États-Unis et à cerner sa personnalité.

Suite à ces années d'enquêtes, John Maloof a réussi à glaner ces éléments sur ce qu'à pu être la vie de Vivian Maier: 

De retour à New-York après avoir passé son enfance en France, Vivian Maier déménage à Chicago en 1956. Elle est embauchée par les Gensburg et s'occupera de leurs trois enfants.



Elle dispose alors d'une salle de bain privée dans laquelle elle va développer ses films. Elle demande l'autorisation à sa famille, en 59, de partir six mois, sans leur dire où elle va. Les Gensburg la laisse vadrouiller. Vivian Maier entreprend alors un tour du monde qui la conduit en Afrique, en Asie, en Europe, et évidemment dans le village de son enfance. Elle fait des milliers de photos que personne ne voit jamais. 



Elle retourne chez les Gensburg jusqu'à ce que les enfants n'aient plus besoin d'elle. Elle aura exercé chez eux pendant 17 ans et les enfants Gensburg l'ont adoré. Apparemment Vivian Maier était une vraie Mary Poppins, une femme très excentrique, ramenant parfois des serpents morts à autopsier, les emmenant voir des films d'art et d'essai... Elle est restée en contact avec eux toute sa vie.



Après cela, elle ira de famille en famille et ne pourra plus jamais développer ses films mais cela ne l'empêchera pas de continuer à photographier. Pendant ses diverses errances, elle stocke ses films et ses cartons de photos qu'elle a pu tirer (quand elle était chez les Gensburg) dans un garde meuble. A la fin des années 90, ayant de grosses difficultés financières, les Gensburg décide de lui venir en aide et l'installe dans un petit appartement à Roger Parks. En 2008, elle glisse sur une plaque de verglas et se fracasse le crâne. Vivian Maier est emmenée aux urgences et soignée. Elle entre alors dans une maison médicalisée payée par les Gensburg mais malheureusement, elle ne survit pas à sa chute et décède quelques mois plus tard, le 20 avril 2009.


 
Ce que Vivian ne dira pas aux Gensburg, c'est que ne pouvant payer les frais du garde meuble, ses cartons contenant toute son oeuvre sont saisis en 2007 et mis aux enchères...

John Maloof a également produit un documentaire "Finding Vivian Maier" qu'il présente dans une newsletter du 15 février 2013 comme « racontant l'incroyable histoire vraie du mystère de sa vie cachée ».



Au Strict Maximum, nous aimons particulièrement son travail s'inscrivant dans la lignée des plus grands photographes tels que André Kertesz, Diane Arbus ou Willy Ronis. Mais ce qui nous fascine, c'est la passion qui habitait cette femme : l'Art pour l'Art, sans rien attendre et chercher en retour. Des heures de plaisir entassé dans des cartons. Une vie simple et tranquille. Elle n'a pas eu la gloire et ne l'a sans doute pas cherché. C'est son travail qui l'aura et c'est probablement ce qu'elle aurait souhaité.



Les époques diffèrent, le monde change, sans doute aujourd'hui aurions-nous taxé cette artiste d'abuser du selfie. 
Mais pour l'heure, le Strict Maximum s'en va rechercher les moutons ou alors peut-être aura-t-il la chance de croiser le marchand de sable? Alors vite, une goutte de Chanel n°5 histoire de ne pas être pris au dépourvu.

5 commentaires:

  1. Clap, clap, clap pour le papier... et pour l'artiste, qui pour moi surclasse amplement les cadors de la photo...

    RépondreSupprimer
  2. incroyable histoire...merci pour la découverte
    ses photos sont incroyables !!!

    RépondreSupprimer
  3. je viens d'aller voire le documentaire au cinéma...c'est vraiment dingue comme histoire !!!
    pour ceux que ça intéresse, il y a une expo en ce moment à GAND en belgique
    http://www.vivianmaier.com/events/vivian-maier-discovery-photographer/
    encore merci pour la découverte

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Nous avons également vu le documentaire, il est absolument passionnant !!! Cela faisait longtemps qu'un documentaire ne nous avait pas autant captivé!
      Nous ne savions pas pour l'expo en Belgique. Peut-être qu'elle est en lien avec la promo du film comme l'expo se déroulant actuellement dans une galerie Parisienne...

      Supprimer
  4. J'adhère et j'adore complètement, Vivian Maier que j'ai découvert il n'y a pas si longtemps. fabuleuse histoire qu'est la sienne et c'est un autant un plaisir de lire cet article ici.

    RépondreSupprimer